La Présidente du Codever évoque les actions en cours et à venir
Interview
Les administrateurs et les délégués du CODEVER viennent d’adopter à une forte majorité les bilans moral et financier de l’année écoulée, et surtout la feuille de route des mois à venir. On fait le point avec Edyth Quincé, Présidente du CODEVER France.
Tout d’abord, comment le CODEVER traverse-t-il la crise du Covid ?
Nos deux salariés sont en télétravail depuis le premier confinement. Nous avons appris, comme tout le monde, à travailler sans nous rencontrer. On espère bien sûr que cela redeviendra possible d’ici la fin 2021. Nous prévoyons notre traditionnel Conseil National des délégués en novembre, couplé, et ce sera une première, avec notre Assemblée Générale annuelle.
Financièrement, pour le moment ça va. Je tiens à dire merci aux adhérents qui renouvellent leur adhésion alors qu’ils randonnent pas ou peu, car la baisse des adhésions a été moins forte que nous ne l’avions craint, sauf du côté des clubs. Et cette baisse de recettes a été compensé par de sérieuses économies au niveau des déplacements sur les salons et événements. Mais évidemment nous avons du faire des choix difficiles pour boucler un budget prévisionnel à l’équilibre, comme par exemple arrêter la version « papier » de la Lettre du Codever (qui va évoluer, nous vous la présenterons bientôt). Surtout que nous sortirons très prochainement la troisième édition du Guide Pratique, ce qui représente un gros investissement.
Cela étant dit, même si ça randonne moins, nous sommes très fortement sollicités au quotidien. Entre les arrêtés municipaux, les verbalisations, le soutien aux victimes de pièges, les conseils aux organisateurs qui préparent la reprise… nous sommes sur de nombreux fronts, on ne chôme pas ! Nous avons aussi sollicité le Ministère des Sports pour préparer au mieux la reprise des organisations de randonnées à partir de mai-juin. Et puis plusieurs actions de défense des chemins ruraux sont en cours.
En parlant de chemins ruraux, le CODEVER proposait il y a quelques semaines de renforcer leur protection en s’invitant dans les travaux du projet de loi Climat et résilience. Où en est cette action ?
Après dépôt d’amendements et débats, un article 57 ter a été ajouté au texte initial par les députés. Cet article vise en premier lieu à empêcher la vente d’un chemin rural par la commune dans deux cas : lorsque le chemin est encore utilisé par le public ; lorsqu’une action d’un riverain a empêché son utilisation (labourage, clôture…).
Le texte autorisera aussi la commune à échanger des parcelles dans le but de rétablir la continuité d’un chemin rural. Par exemple, pour dévier un chemin qui traverse une cour de ferme, ou pour rétablir un cheminement en contournant un champ traversé par un chemin rural clôturé et bouché depuis longtemps… C’est un moyen de sortir du statu quo et de restaurer des itinéraires de façon simple, sans passer par des procédures judiciaires qui durent des années.
Enfin, une disposition prévoit que les communes pourront déléguer l’entretien de chemins ruraux à une asso loi 1901, à titre gratuit, après signature d’une convention. Ce n’est pas une nouveauté en soi, mais plutôt une forme de reconnaissance de l’inestimable contribution des assos de randonneurs et des bénévoles.
Je suis fière du travail accompli par le Codever sur ce thème. Nombre de nos délégués et adhérents ont sollicité leurs députés pour faire avancer nos suggestions. C’est un indispensable travail de l’ombre. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues !
Cette loi entre bientôt en vigueur ?
Oh non, nous n’en sommes pas encore là ! Le texte adopté à l’Assemblée arrivera prochainement au Sénat. Nous reprenons donc notre bâton de pèlerin avec deux motivations. La première, c’est de convaincre les sénateurs, s’il en était besoin, qu’ils conservent ces avancées. La seconde, c’est qu’ils améliorent, si possible, cet article 57 ter, car il est perfectible. Avec nos partenaires du Collectif Chemins ruraux en danger, nous allons leur suggérer des améliorations.
Justement, parlez-nous de cette collaboration.
Nous collaborons depuis maintenant 4 ans avec de nombreuses fédérations et associations regroupées au sein d’un collectif informel qu’on appelle le Collectif Chemins ruraux en danger. Y sont entre autres représentées l’Association Chemins du Nord Pas de Calais Picardie, la Fédération Française de Randonnée Pédestre, la Fédération Française de Cyclotourisme, la Fédération Française d’Équitation, la MBF, la Fédération Nationale des chasseurs, la FNSEA, France Nature Environnement, l’asso Vie et Paysages, nos amis d'Equiliberté… Cette diversité enrichit considérablement nos débats.
Il existe évidemment des divergences de positionnement entre toutes ces entités, mais nous avons rapidement trouvé notre plus petit dénominateur commun : la nécessité de sauvegarder les chemins ruraux. Je crois pouvoir affirmer que le CODEVER est un des moteurs au sein de ce collectif. Notre expertise est reconnue. Je pense aussi que nos échanges réguliers ont permis de casser certains préjugés, comme celui consistant à penser que nous défendons exclusivement les motorisés. Je suis persuadée que ce dialogue contribue à une meilleure cohabitation dans les chemins.
Pour finir sur les chemins ruraux, organiserez-vous les Journées des Chemins cette année ?
Oui ! nous venons de décider de reporter les JdC à octobre. Ce mois a des avantages : la végétation s’apprête à entrer en repos, la période de nidification des oiseaux est terminée, la neige n’empêchera pas les chantiers en montagne…
Par ailleurs, n’étant plus tributaires de la Semaine du Développement Durable, nous sommes libres de revoir notre format : une semaine ? une journée ? un week-end ? Nous déciderons bientôt. En attendant, les organisateurs de chantiers peuvent nous écrire pour nous faire savoir leur préférence.
Bien sûr, les Journées des Chemins seront plus que jamais ouvertes à tous les usagers des chemins, quel que soit leur moyen de locomotion. Notre leitmotiv demeure : "faisons chemin ensemble".
Les élections départementales et régionales approchent. Que prévoyez-vous ?
Nous savons depuis peu que ces élections auront lieu les 20 et 27 juin 2021. Ce sont surtout les départementales qui nous intéressent car ce sont les départements qui possèdent la compétence en matière de gestion et de développement durable des sports de nature.
Ils doivent notamment se doter d’une CDESI (Commission des espaces, sites et itinéraires), laquelle doit élaborer le PDESI (P pour plan).
Des obstacles humains, financiers et juridiques subsistent toutefois, puisque seulement 63 départements ont mis en œuvre des actions maitrisées de développement durable des sports nature. Il y a déjà là matière à s’interroger.
Mais le pire reste que la plupart de ces instances snobent complètement les sports de nature motorisés. Pourtant, aux yeux de la loi, la moto d’enduro ou le trial 4x4 sont des sports de nature au même titre que le VTT de descente. Il existe donc une discrimination basée sur des préjugés, et nous devons la combattre. C’est crucial pour obtenir la réouverture d’itinéraires ouverts à la rando motorisée dans certains départements où il est devenu impossible de rouler.
Mais il faut aussi penser aux plus sportifs. Quand on souhaite pratiquer de façon plus sportive, qu’on cherche des chemins techniques, du franchissement, on se retrouve vite hors-la-loi. Ou alors il faut soit rouler uniquement en compétition, soit se payer une journée de roulage dans un centre tout-terrain. Mais l’offre est assez limitée, il n’y en a pas partout. En fait, ce qui manque c’est une offre légale de pratique. C’est-à-dire, par exemple, des spots de franchissement reliés par des chemins. Alors, il faut les réclamer, ces lieux de pratique, que ce soit pour la moto, le quad, le 4x4 ou le VTT. Ça parait peut-être un peu utopique, mais une chose est certaine : si on ne se bat pas pour les avoir, on ne va pas nous les proposer !
Nous allons donc questionner les candidats aux départementales sur ce sujet, et nous inviterons les pratiquants à participer.
Les vététistes ne sont-ils pourtant pas mieux lotis que les motorisés en matière d’offre légale ?
Oui, c’est vrai que de nombreux aménagements ont été faits ces dernières années pour développer la pratique du VTT, notamment en montagne avec l’activité descente. Mais ce n’est pas le cas partout, loin de là, et on assiste à un développement anarchique de tracés, en particulier dans les massifs forestiers. C’est bien qu’il y a un manque. Malheureusement les vététistes n’ont souvent pas conscience que lorsqu’ils sortent des chemins ruraux ou des itinéraires balisés pour eux ils sont chez quelqu’un… et ce quelqu’un n’a peut-être pas envie de les voir sur ses parcelles. S’ajoutent à cela les impacts – réels ou supposés – sur la faune et la flore, et on commence à voir des opérations de répression spécifiquement tournées vers le VTT. Il y a des choses à faire pour sensibiliser les vététistes à ces problématiques, pour améliorer l’offre, pour gérer les conflits d’usage… et le CODEVER a l’expérience nécessaire pour y contribuer.
De nombreuses opérations de contrôle sont relayées par la presse régionale en ce moment…
En effet ! Avec le Covid, beaucoup de français aspirent à un retour à la nature. On n’a jamais vu autant de monde dans les chemins, notamment aux abords des villes et des grandes agglomérations, avec, il faut le dire, de nombreux citadins qui voient la campagne comme une image d’Epinal.
Le gros souci, c’est qu’au fil des années, de nombreux espaces naturels ont été sanctuarisés ; des kilomètres de chemins fermés aux motorisés ; des circuits de motocross ou des terrains de franchissement fermés car leur activité n’est pas politiquement correcte ; les DFCI fermées massivement à tout usager dans le sud ; les randonneurs motorisés stigmatisés et pourchassés comme des braqueurs de banque, avec des PV basés sur un critère subjectif (la carrossabilité)… ajoutez à cela la croissance folle des pratiques VTT et VTTAE. On a là un cocktail détonnant qui produit des effets terribles : recrudescence des conflits d’usage, explosion du nombre de pièges dans les chemins (dont bon nombre vise maintenant les vététistes), multiplication des motos de cross dans la nature, des incivilités, et par ricochet interdictions de circuler, contrôles et répression !
Il va donc falloir trouver le moyen d’apaiser tout cela, éduquer, former, et aussi améliorer l’offre en matière d’itinéraires et de sites de pratique, afin de diluer la fréquentation. Il faut arrêter de tout interdire et de concentrer tout le monde aux mêmes endroits !
Le mot de la fin ?
Je voudrais rappeler que le CODEVER agit au quotidien pour défendre et promouvoir les sports de nature, motorisés ou non, et les itinéraires et lieux où ils sont pratiqués. Nous défendons la liberté de circuler, la liberté d’organiser et celle d’entreprendre.
Pour mener à bien ces missions, nous nous appuyons sur une grosse poignée de bénévoles motivés et deux salariés, ce qui limite évidemment nos possibilités.
Et pour financer ces actions, nous ne comptons que sur les cotisations de nos adhérents. Nous refusons d’être tributaires de subventions publiques, afin de toujours pouvoir agir librement.
J’invite donc les usagers des chemins et les adeptes des sports nature à adhérer et à s’impliquer localement, quel que soit leur moyen de locomotion. Plus nous serons nombreux et engagés, plus nous serons forts.