Les députés puis les sénateurs viennent d’adopter le texte mis au point par la Commission mixte paritaire (CMP). En attendant la promulgation, voici ce qu’en dit le Codever.
11/02/2022
Les députés puis les sénateurs viennent d’adopter le texte mis au point par la Commission mixte paritaire (CMP). En attendant la promulgation, voici ce qu’en dit le Codever.
Résumé – Les points marquants
Notre article complet
Nouveau pouvoir de police du maire (article 14)
Sans surprise, la CMP n’a pas remis en cause la rédaction de l’article 14. L’article L360-1 du Code de l’environnement va donc seulement se trouver modifié sur des points techniques, mais pas sur le fond.
Les maires, les présidents de collectivités territoriales ou les préfets pourront donc interdire la circulation des personnes, des animaux domestiques et des véhicules (véhicules s’entend au sens large : un cycliste est un véhicule), dans les espaces protégés.
Pour tout savoir sur les risques que fait peser ce nouveau pouvoir de police sur les sports de nature, lisez notre article du 26/11/2021, parlez-en à vos amis vététistes, cavaliers, marcheurs, et faites leur signer notre pétition.
Protection des chemins ruraux
Au vu des dispositions adoptées, le terme « protection » est sans doute un peu pompeux.
C’est pourtant dans un souci de mieux protéger les chemins ruraux que nous étions intervenus dans le projet de loi Climat, puis dans ce projet de loi 3DS. Avec d’autres associations et fédérations, nous avions obtenu l’insertion d’articles et des amendements très intéressants.
Malheureusement, au fur et à mesure des travaux parlementaires, et malgré les efforts admirables de quelques députés ayant bien compris les enjeux, les dispositions les plus protectrices ont été progressivement vidées de leur substance. Un par un, les amendements que nous soutenions ont été rejetés par le rapporteur Bruno Questel ou par la Ministre Jacqueline Gourault, c’est-à-dire, par le Gouvernement.
Le summum du cynisme fut atteint avec le refus d’instaurer la nullité de la vente d’un chemin rural accaparé à celui qui l’accapare… La morale, c’est qu’il n’y en a pas : entravez, labourez, et vous serez récompensé !
Pourtant, c’est à qui se gargariserait le plus de vouloir préserver les « réservoirs de biodiversité ». Employé par les défenseurs de l’environnement, l’expression devrait inquiéter tous les amoureux des chemins creux. Il y a là un piège, en effet. Oui, les haies qui bordent les chemins abritent une riche biodiversité. Mais les chemins sont des voies de circulation créées par l’homme, et ils doivent garder cette mission exclusive. Sinon, il faudra rapidement se résigner à ne plus les débroussailler au prétexte que cela nuit à la biodiversité. Et les milliers de kilomètres de chemins ruraux enfouis sous la broussaille, qui n’attendent que des bénévoles courageux pour être rendus à la circulation publique, seront perdus à jamais, même pour les marcheurs !
Les nouveautés en détail
L’article 27 bis prévoit que la prescription acquisitive (dite « prescription trentenaire ») est suspendue lorsque la commune décide de réaliser l’inventaire de ses chemins ruraux. Cette suspension dure deux ans au maximum. Il conviendra d’être vigilant, afin de s’assurer qu’un chemin rural ne serait pas malencontreusement oublié dans l’inventaire.
L’article 27 ter autorise (enfin) l’échange d’un chemin rural contre une parcelle, dans le but de modifier son tracé. Des clauses de continuité doivent être prévues, et le nouveau tracé doit respecter la largeur du chemin initial, ainsi que sa « qualité environnementale, notamment au regard de la biodiversité ». Qu’est-ce que la « qualité environnementale » ? Personne ne le sait. Ce sont donc les porteurs de projet qui en décideront, et, pour finir, les juges. Car ce flou sera évidemment propice aux contentieux. On s’interroge également sur la mise en œuvre : faudra-t-il « transplanter » des biotopes ? On souhaite bonne chance aux communes qui essuieront les plâtres.
Plus grave : l’échange pourra se faire en quasi-catimini. On vous laisse juge avec cette phrase :
« L’information du public est réalisée par la mise à disposition en mairie des plans du dossier et d’un registre avant la délibération autorisant l’échange, pendant un mois. Un avis est également affiché en mairie. Les remarques et observations du public peuvent être déposées sur un registre. »
Qu’est-ce donc sinon un simple ersatz de consultation du public ? En séance, on a pu lire la consternation sur le visage des députés qui défendaient vaillamment la nécessité d’une enquête publique.
Ni Mme Gourault ni Monsieur Questel n’ont voulu instaurer un minimum de contrôle du travail des conseils municipaux. Evidemment, la majorité d’entre eux sont attachés à leur patrimoine, et ils prendront soin de solliciter l’avis de leurs administrés. Mais pour la minorité empressée de se débarrasser de quelques chemins devenus encombrants ou de faire plaisir à quelques copains, ce sera service minimum, sans tambour ni trompette. Il leur suffira de placarder un avis dans l’entrée de la mairie au milieu des arrêtés et autres publications, et d’un cahier dans lequel vous pourrez bien écrire ce que vous voudrez, puisqu’aucune disposition n’oblige le conseil municipal à en tenir compte… Vous trouvez ça honteux ? Nous aussi.
Et nous nous attendons par conséquent à de nombreux « mini-remembrements » dans les mois qui viennent. Il faudra surveiller les comptes-rendus de conseil municipal…
L’article 27 quater A contient trois dispositions.
La première était réclamée par toutes les associations et fédérations d’utilisateurs de chemins, pour contrecarrer une évolution récente et néfaste de la jurisprudence, qui a permis de vendre des chemins ruraux encore utilisés par le public.
Explications. Avant de vendre un chemin rural, la commune doit s’assurer qu’il n’est plus « affecté à l’usage du public » (on dit « désaffecté »). Jusqu’à octobre 2020, les juges considéraient que la désaffectation se constatait sur le terrain : le chemin a disparu sous la broussaille faute d’usage, par exemple.
Mais depuis l’arrêt « Langesse » d’octobre 2020, une commune pouvait décider de désaffecter un chemin rural pourtant encore utilisé par le public. Dans le jargon, on appelle ça la « désaffectation administrative ».
L’article 27 quater A entend empêcher cela. Il prévoit qu’une désaffectation ne pourra plus être prononcée par une décision administrative.
Mais le diable se cache dans les détails, dit l’adage. Ici, ce serait plutôt dans la formulation, qui ne convainc pas tous les défenseurs des chemins. La version que nous avions fait adopter au départ a en effet été modifiée. Pour la simplifier, prétend M. Questel. Ou bien serait-ce pour créer une faille juridique qui permettra aux communes de contourner la protection ? L’avenir nous le dira. Si une faille venait à être exploitée par les premières décisions de justice, il va de soi que le gouvernement aurait réussi là une formidable entourloupe.
La deuxième disposition du 27 quater A va permettre aux communes de mettre à contribution financière les auteurs de dégradations portées aux chemins ruraux. Un dispositif qui existait pourtant depuis des décennies, mais que les parlementaires ont cru bon de modifier d’une façon qui nous semble préjudiciable aux utilisateurs et aux sports de nature en général. Il ne sera plus en effet question de réparer les « dégradations anormales », comme c’était le cas depuis les années 60, mais les « dégradations ». Tout court. Un terme qui laisse la porte ouverte à l’interprétation des communes et des juges, là encore. Cela étant dit, ce dispositif est une usine à gaz difficile à mettre en œuvre. A suivre, donc.
La troisième et dernière disposition prévoit que la commune peut autoriser, par convention, une association à restaurer et à entretenir un chemin rural. Il n’échappera à personne que la seule nouveauté ici réside dans l’obligation de signer une convention, là où l’accord était le plus souvent verbal…
Enfin, l’article 27 quinquies concerne les chemins ruraux inscrits dans un PDIPR (Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée). Ces itinéraires sont en effet protégés. Une commune ne peut pas vendre un chemin rural inscrit sans avoir proposé au préalable un itinéraire de substitution. Avec l’instauration des échanges, il fallait adapter cette protection. C’est chose faite.
Conclusion
Tout au long de l’année 2021, le CODEVER et ses délégués ont sollicité la quasi-totalité des députés et sénateurs plusieurs fois, pour proposer des textes et des amendements. Un certain nombre nous a répondu poliment, d’autres ont échangé avec nous et parfois repris certaines de nos propositions. Nous les remercions pour l’intérêt qu’ils ont manifesté à ces sujets.
En revanche, nous déplorons profondément le manque de considération affiché par Mme Gourault, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à l’origine du projet de loi 3DS.
Nos multiples courriers n’ont jamais reçu la moindre réponse. Nous n’avons même pas eu droit au service minimum de l’accusé de réception poli. Est-ce du mépris ou de l’arrogance ? A une époque où les politiques affichent la volonté de faire participer les citoyens à l’élaboration de la loi, à grands coups de consultations sur internet ou d’assemblée tirée au sort, cette attitude interroge.
Soyons honnêtes : ce travail de lobbying est à la fois ingrat et indispensable. Ingrat, car il faut dépenser énormément de temps et d’énergie pour de maigres résultats. Indispensable, parce que nous avons tout de même obtenu quelques avancées sur certains points et limité les dégâts sur d’autres. Nous avons également mis au point nos propositions et nos arguments, ce qui va être utile pour la suite. Car nous ne lâchons rien évidemment. Nous vous donnons rendez-vous bientôt.
En attendant, nous vous invitons à soutenir notre action en adhérant ou en faisant un don.
Remerciements
Le Codever remercie vivement Equiliberté, la FFVélo et l’association Chemins du Nord Pas-de-Calais Picardie qui ont co-signé et soutenu nos propositions d’amélioration de la loi 3DS.
Nous remercions également tous les délégués Codever qui ont écrit à de multiples reprises aux députés et sénateurs.
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