Ce réseau de voies rarement goudronnées et généralement anciennes, voire ancestrales, forme le support indispensable à la randonnée sous toutes ses formes.
L’Etat estimait au début des années qu’il subsistait 700 000 km de chemins ruraux après la disparition de 250 000 km depuis 1950. Une estimation qui s’appuie sur un très vieux recensement datant de 1954.
En fait, personne n’en sait rien aujourd’hui, puisque les communes connaissent mal leurs chemins ruraux, et que ces données ne sont de toutes façons pas collectées.
Seule l’association Chemins ruraux des Hauts de France, qui réalise des inventaires pour le compte des communes depuis plus de 10 ans, dispose de chiffres fiables issus de ces travaux. Elle conclut que dans son secteur, environ 17 % des chemins ruraux figurant sur le cadastre ont disparu. Résultat difficilement extrapolable au reste de l’Hexagone, en raison de grandes disparités. Dans certains secteurs géographiques, on ne trouve ainsi plus un seul chemin rural sur les plans cadastraux.
Comment les Chemins ruraux disparaissent-ils ? Comment l’empêcher ?
Le manque d’usage
L’agriculture mécanisée de l’après-guerre a délaissé les chemins creux incompatibles avec des engins de plus en plus gros. Le passage des piétons ou des vélos ne suffit pas à empêcher la broussaille de pousser, au contraire de celui des véhicules à moteur.
Préconisation CODEVER : favoriser la circulation de tous, et laisser circuler les randonneurs motorisés.
Les remembrements
La création de grandes parcelles pour faciliter le travail agricole entraine la suppression pure et simple des chemins ruraux qui desservaient les petites parcelles. Les travaux routiers font également disparaitre des chemins.
Préconisation CODEVER : créer des chemins en bordure des nouvelles parcelles ou nouvelles voies pour maintenir la continuité des itinéraires.
Le manque d’entretien
Les petites communes n’ont pas l’obligation d’entretenir les chemins ruraux, et souvent pas les moyens.
Préconisation CODEVER : rappeler aux riverains leur obligation d’entretien des haies, et inciter les utilisateurs loisirs à retrousser leurs manches.
Les accaparements
Des riverains indélicats s’approprient illégalement des chemins ruraux, par des clôtures, des labours, des constructions…
Préconisation CODEVER : inciter les communes à récupérer les chemins volés et rendre illégale leur vente… aux voleurs.
Quelle est l’action du Codever ?
Le Codever lutte depuis 1987 contre la disparition des chemins ruraux.
Nous avons ainsi inventé les journeesdeschemins dès 1994.
Bilan actualisé de l’édition 2024 des Journées des Chemins
- 1200 bénévoles engagés soit x 2 par rapport à 2023
- 228 km de chemins ruraux rouverts ou entretenus (x 3,5) - L’album photo
- 7 à 8 tonnes de déchets collectés (x 5)
- 73 chantiers au total (+82 %/2023), dont 7 chantiers organisés par des communes (2 l’an dernier), les autres par des associations de randonneurs (moto, 4x4, quad, marche, VTT, cavaliers…)
90 médias au moins ont parlé de notre combat pour les chemins ruraux, dont TF1, BFM TV, France 3, France Culture, France Info… et une carte des chantiers vue près de 56 000 fois. A noter également notre participation à un documentaire pour France TV.
Nous intervenons régulièrement auprès des parlementaires pour obtenir une législation plus protectrice. La loi « 3DS » (loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale) a apporté quelques timides avancées. Nous mettons maintenant nos espoirs dans une proposition de loi que prépare le député de la Haute-Vienne Stéphane Delautrette (dépôt courant 2024).
Enfin, nous contribuons à des enquêtes publiques, et nous aidons régulièrement des particuliers, des associations ou des communes dans leurs démarches en vue de sauver des chemins ruraux de l’aliénation ou de l’accaparement, et en publiant des informations accessibles à tous les défenseurs des chemins ruraux.
Voici d’ailleurs les points de législation les plus importants à connaître.
Chemin rural - définition
Encore souvent appelé « chemin communal » alors que le terme n’existe plus depuis 1959, le chemin rural appartient au domaine privé de la commune mais est affecté par nature à l’usage du public.
La propriété d’un chemin rural ne repose pas sur un titre mais sur une présomption : tout chemin affecté à l’usage du public est présumé appartenir à la commune sur laquelle il se situe.
L’affectation à l’usage du public relève elle-même d’une présomption : si le chemin est utilisé comme voie de passage, ou si la commune l’entretient ou le surveille régulièrement, on tient une preuve d’affectation à l’usage du public.
Chapitre Ier : Les chemins ruraux. (Articles L161-1 à L161-13) - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cette affectation à l’usage du public signifie que tout public peut l’emprunter librement, y compris avec un véhicule à moteur. Le maire peut réglementer la circulation sur les chemins ruraux, par arrêté motivé.
Conservation
Le maire doit veiller à conserver les chemins ruraux. Littéralement, il doit empêcher qu’ils soient accaparés : article L161-5 du Code rural - Code rural et de la pêche maritime
Il dispose pour ce faire de pouvoirs de police, lui permettant de mettre en demeure un riverain indélicat de retirer des barbelés ou de remettre en état un chemin rural qu’il aurait labouré : article D161-11 - Code rural et de la pêche maritime
Entretien
L’entretien des chemins ruraux ne figure pas parmi les dépenses obligatoires des communes, selon l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, sauf si elle a déjà accepté de l’entretenir par le passé. C’est la fameuse « jurisprudence Carcassonne » (Conseil d’Etat, 20 novembre 1964, ville de Carcassonne).
Rien n’interdit à un usager de procéder à de menus travaux d’entretien lors d’une balade. Dégager un arbre mort à terre, couper des ronces ou élaguer quelques branches basses gênantes, c’est toujours mieux que de contourner l’obstacle sur une propriété privée.
Attention toutefois : Codever - Peut-on dégager soi-même un arbre tombé en travers d’un chemin ?
En revanche, lorsque le chemin rural a disparu sous la broussaille, que des arbres l’ont colonisé, ou, pire, que son tracé n’est plus visible sur le terrain, la prudence impose de recueillir le consentement de la commune. Sans cela, les travaux engagés pourraient déclencher un litige.
Depuis la loi 3DS, une commune peut confier l’entretien d’un chemin rural à une association loi 1901 sans craindre la jurisprudence Carcassonne : article L161-11 - Code rural et de la pêche maritime
Les petites communes manquent cruellement de moyens pour entretenir les chemins ruraux. D’où l’importance d’y maintenir une circulation régulière (y compris et surtout motorisée) et d'inciter les randonneurs à retrousser leurs manches.
Aliénation
Le chemin rural peut être aliéné (vendu aux riverains) s’il est « désaffecté de l’usage du public », c’est-à-dire si le public ne l’utilise plus.
La commune ne peut pas désaffecter par délibération un chemin rural encore utilisé par le public. Elle doit constater l’absence de traces de passage sur le terrain, par exemple : chemin totalement obstrué par la broussaille.
Interdiction de la désaffectation administrative : article L161-2 - Code rural et de la pêche maritime
D’où l’importance d’y maintenir une circulation régulière (y compris et surtout motorisée)…
Enquête publique
L’aliénation doit être précédée d’une enquête publique d’une durée minimale de 15 jours minimum (durée retenue le plus souvent). Cela passe très vite… souvent les enquêtes ne sont découvertes qu’une fois clôturées !
Obligation d’enquête publique : articles L161-10 et suivants du Code rural
L’avis d’enquête doit être publié dans deux journaux locaux et affiché à l’entrée du chemin concerné.
Cas particulier : lorsque le chemin rural appartient à deux communes ou lorsqu’il serpente sur deux communes, les 2 conseils municipaux doivent être d’accord et l’enquête publique est commune.
Si vous ne pouvez pas vous déplacer en mairie pendant l'enquête, vous pouvez obtenir le dossier par courriel. Voici un modèle de demande.
Madame, Monsieur,
Je vous saurai gré de me transmettre le dossier de l’enquête publique relatif au projet d’aliénation de chemins ruraux, [précisez, par exemple : évoqué dans les colonnes de [journal], (dont je vous ai joint une copie de parution)], par courrier électronique, conformément au 3° de l'article L311-9 du Code des relations entre le public et l'administration, ci-dessous reproduit :
« L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration :
1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ;
2° Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ;
3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique ;
4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L. 311-6. »
Pour trouver l’adresse mail officielle de la mairie, utilisez : Annuaire | Service-Public.fr
Il peut être nécessaire de relancer. Si la mairie refuse de communiquer le dossier, contactez-nous..
Tout citoyen peut déposer une contribution sur le registre d’enquête. Cet avis doit être argumenté. Il faut apporter des témoignages d’utilisation, même ancienne, pour espérer empêcher une aliénation.
Le commissaire-enquêteur s’assure du respect de la réglementation, et livre ses conclusions : favorable ou défavorable à la vente. Son avis est consultatif.
La commune peut ne pas suivre l’avis du commissaire-enquêteur, à condition de motiver sa décision.
Tout citoyen ayant un intérêt à agir peut contester une aliénation en justice.
Lire notre article : Codever - Ventes de chemins ruraux : agissez !
Prescription acquisitive (usucapion, prescription trentenaire)
Comme tout bien privé, le chemin rural peut changer de propriétaire par voie judiciaire. Il faut pour cela qu’un riverain puisse prouver qu’il s’est comporté en propriétaire du chemin rural, de façon paisible, aux yeux de tous, pendant 30 ans en continu. Ce changement n’est pas automatique : le riverain doit saisir la justice, et c’est le juge qui tranche, en fonction notamment des témoignages d’utilisateurs et des preuves d’entretien.
La réciproque est vraie : une commune peut revendiquer la propriété d’un chemin ou d’une parcelle privée par le même mécanisme.
Accaparements par les riverains
S’approprier un chemin rural est bien entendu un acte illégal, malheureusement très courant. Il est interdit d’entraver la circulation ou de porter atteinte à la commodité de passage ou à l’intégrité du chemin rural.
Les aliénations résultent le plus souvent d’un accaparement ancien contre lequel les maires successifs n’ont pas agi. Il est donc important d’intervenir rapidement et fermement lorsqu’on constate une entrave à la circulation.
Article L412-1 - Code de la route
Article D161-14 - Code rural et de la pêche maritime
Codever - Chemins ruraux : comment réagir en cas d’accaparement ?
Les inventaires
On protège bien ce que l’on connait bien. La loi 3DS incite ainsi les communes à recenser leurs chemins ruraux, tout en suspendant la prescription acquisitive pendant l'opération d'inventaire.
Article L161-6-1 - Code rural et de la pêche maritime
Les échanges
La loi 3DS a également instauré la possibilité d’organiser un échange de parcelles entre la commune et le demandeur, dans le but de préserver la continuité d’un chemin rural. Cet échange doit respecter certaines conditions.
Article L161-10-2 - Code rural et de la pêche maritime
Conclusion
On a signalé plus haut que constater la disparition d’un chemin sous la broussaille permet de conclure à sa désaffectation, qui est un préalable à la vente.
On en tire un premier dicton :
un chemin rural s’use (disparait) si on ne s’en sert pas !
Ce point est d’autant plus important que les communes n’ont pas l’obligation d’entretenir les chemins ruraux, et, souvent, pas les moyens.
Or, le passage des piétons ou des vélos suffit rarement à empêcher la broussaille de pousser, au contraire de celui des randonneurs motorisés (moto, quad, 4x4). En outre, ces derniers entretiennent souvent les chemins au fur et à mesure de leurs balades, grâce au matériel qu’ils peuvent emporter. D’où le second dicton du Codever :
deux ornières valent mieux qu’un bouchon de broussailles !
Enfin, on ne peut que déplorer que certains territoires soient désormais dépourvus de chemins ruraux. L’exercice de la randonnée repose alors sur la seule tolérance des propriétaires de chemins et sentiers privés. Or, ceux-ci sont tout à fait libres de changer d’avis à tout moment. Lorsque cela arrive, les randonneurs se trouvent privés de leurs itinéraires, parfois sur de vastes territoires. Plusieurs exemples ont défrayé la chronique ces derniers mois en Provence, en Isère ou encore dans les Vosges. En ces lieux, il sera difficile de revenir en arrière.
C’est pourquoi le Codever lance un appel à tous les randonneurs : que vous soyez à pied, à cheval, à vélo, à moto, en quad, en 4x4, en trottinette tout-terrain, c’est tous ensemble que nous devons préserver les chemins ruraux existants et réhabiliter ceux qui ont disparu sous la broussaille.
Pour aller plus loin avec le Codever